7 Février 2025
Depuis 2015 et la petite virée des frères Kouachi, qu'est-ce qu'on peut causer du dessin de presse !
Bon, OK, avec le temps ça se calme un peu et, après les commémorations des 10 ans du 07 janvier 2015, soyons certains que les agitations de bon ton autour de cet "anniversaire" signeront en même temps le grand silence qui régnera les années suivantes à la même époque et ce jusqu'à la fin des temps ( ce qui, si on en croit Vladimir Poutine et Donald Trump ne devrait pas trop tarder).
Pour ce que j'en sais et ce que j'en vois, jamais n'ont été organisés autant de débats, d'ateliers, de salons, de colloques, de centres de réflexion, de projets de structures officielles autour du dessin de presse et dans le même temps je crois bien que jamais les médias, et la presse écrite en particulier, n'a eu si peu recours au dessin de presse.
En 1950, nous étions officiellement 230 dessinateurs à détenir la carte de presse, en 2019 nous n'étions déjà plus que...18 (dont 5 femmes parmi le total de 35000 détenteurs de la carte de presse).
Selon la Commission délivrant la carte professionnelle des Journalistes de Presse, en 2025 nous ne serions plus, dessinateurs de presse professionnels, selon les derniers chiffres officiels, que... 6!
La question à bien été posé le 25 février dernier par un député... mais sans aucun effet.
On cause "dessin de presse" en feignant d'oublier que derrière chaque dessin de presse il y a un dessinateur/trice de presse !
En revanche, je ne connais pas la période de nidification des "experts en dessin de presse et de la liberté d'expression" mais ils se reproduisent à un rythme à faire pâlir le plus lubrique couple de lapins ( bien que je n'eusse rien contre les lapins, soyons bien clairs, j'ai moi-même comme bon ami un lapin angora à la sexualité débridée).
On ne va quand même pas parler des conditions de travail des ouvriers de chez Renault au "Salon de l'automobile", ça gâcherait l'ambiance!
Au vu du contexte actuel, entre démissions de confrères las d'être censuré(e)s sans parler de celles et ceux qui se font virer sans autre forme de procès pour un dessin publié qui a déplu, la précarité d'une profession souvent rémunérée au lance-pierre, la guéguerre se généralisant entre dessinateurs ne se considérant plus comme "collègues" mais comme "concurrent(e)s", la frilosité des médias en pleine crise à entrouvrir la porte au dessin qui dit quelque chose (de drôle le plus souvent) et donc peut-être d'un peu trop "choquant" (le bonheur et les bons sentiments n'ayant jamais fait rire personne depuis au moins Buster Keaton) pour le lecteur toujours pris pour un demeuré, l'obligation insidieuse du dessinateur de se conformer à l'"humour consensuel" du moment (Sarkozy est petit, Brigitte Macron est plus vieille que son mari, au Nord il fait gris, au Sud ils ont un accent rigolo, etc), la quasi-obligation de travailler son "relationnel" ( terme poli utilisé pour ne pas expliciter clairement le fait d'aller se montrer et de lécher le cul avec zèle aux personnes les mieux en place pour vous faire progresser dans votre "carrière" quitte à ensuite parler le restant de vos jours avec un cheveux sur la langue), le manque trop souvent total de considération de la part des rédactions (sauf, à la limite, si on meure dans un attentat mais il faut être vachement motivé), sans parler du risque récurrent d'insultes et autres menaces diverses et avariées à la généralisation démultipliée depuis l'existence des réseaux sociaux, pour tout ça donc je ne conseillerai pas à un p'tit jeune de s'engager à l'avenir dans cette profession.
On cause dessin de presse, on le décortique, on le soupèse, on l'analyse pour mieux d'ici peu exposer son cadavre figé dans un magnifique musée spécialement dédié où l'on pourra se féliciter de se féliciter.
Trop intellectualiser les choses les rend souvent bien moins savoureuses, cela peut même les tuer, les vider de leur essence en les rendant chiantes à crever.
Tout ça me fait un peu penser aux t-shirts siglés "VIVE L'ANARCHIE" exportés par la Chine, fabriqués au Bengladesh et vendu 45€ en supermarché.
Et toujours, toujours les mêmes questions qui reviennent et ne laissent rien présager de bon: peut-on rire de tout ( réponse: OUI )? Qu'est-ce qu'un bon dessin de presse (réponse: on le sait quand on le voit! )?
On a même été jusqu'à dire que les dessinateurs de presse étaient les "fantassins de la démocratie" , on en a même fait un film documentaire dont l'affiche figure le jovial François Hollande tout sourire tenant sa caricature dessinée par Plantu ! Tout était dit! Le dessin de presse ne doit plus déranger, il doit flatter même dans la critique et ne jamais froisser. L'ère des jolies petites colombes de la paix qui pleurent dessinées à la chaîne pour chaque conflit est en marche !
Quant à "fantassin", personnellement je ne me suis pas tapé 20 mois d'objection de conscience (tout comme Charb) pour qu'on me compare à un soldat d'infanterie le plus souvent utilisé comme chair à canon par des généraux bien planqués à l'arrière.
Ce n'est qu'en le publiant et en lui foutant la paix qu'on lui montrera qu'on l'aime le dessin de presse, pas en le regardant dans une galerie en buvant du mauvais mousseux le petit doigt en l'air en pouffant du "c'est bien vu" entre chaque gorgée.